jeudi 29 mai 2008

Il sera une fois

Voilà. Les moments que je repousse depuis de nombreux jours, la prise de conscience que je rejette à tout prix, cet espoir impossible qui me fait penser que tout ceci n’est qu’un mauvais rêve…c’est là, c’est maintenant, et c’est dur. Je ne souffre pourtant pas plus qu’un autre ; je mange, je bois, je ris. Mais je réalise chaque jour un peu plus ce qui nous arrive. Et est-ce que je me sens coupable de ne pas éprouver une infinie tristesse, une langueur insurmontable ? Pas vraiment. Plus du tout même. Et pourtant.

Et pourtant ce mal étrange me guette, me poursuit, m’envahit à chaque instant. Mon quotidien se fait sans mon Frère depuis plusieurs années. Et pourtant quand je vais me coucher, quand je bois un verre, quand j’entends quelqu’un parler, j’éprouve toujours cette sensation de manque. Un vide irréel qui ne peut être comblé. C’est remarquable de se rendre compte à quel point ma vie actuelle et mes réactions ont été conditionnées par mon Frère. Sans s’en rendre compte, il a réussi à m’influencer dans toutes mes décisions. Parfois, ce n’est qu’une simple impression, d’autres fois ce sont ses mots qui résonnent dans ma tête. J’étais le grand Frère, mais c’est lui qui m’a bien souvent montré le chemin. Et ce sourire. Je n’ai pas toujours été aussi proche de mon Frère, et pourtant je ne peux pas me souvenir de ma relation d’avant. Car même à cette époque, nous vivions déjà ensemble, dans notre cœur et dans notre esprit.

Vous l’avez compris, je ne vais pas m’adresser aujourd’hui à mon Frère, qui sait déjà tout ce que j’ai à lui dire. Je n’ai absolument aucun regret, aucune peine ou aveu jamais dévoilé, aucune rancœur à son égard. Car notre relation ce n’était pas des longues discussions comme il a pu en avoir avec d’autres, ou même quelques mots sur un sujet sérieux. Ce n’était plus non plus des querelles interminables sur des problèmes bénins, ni des coups dans le dos pour prendre l’avantage. Car au fil des années, un profond respect s’était installé entre nous. J’ai toujours été fier de ce que mon Frère faisait, et il a toujours été fier de m’avoir comme frère. Mais notre relation c’était surtout et presque exclusivement l’instant présent, c’était vivre à fond toutes les occasions où l’on avait l’occasion de se retrouver, parfois même à l’extrême. Notre relation, c’était des sourires, des embrassades, des bousculades, un peu de compétition de temps en temps, des fous rires sans limites…c’était aussi tous ces moments où l’on se comprenait tellement bien sans se parler, ces moments ou un seul regard, l’esquisse d’un sourire suffisait pour déclencher l’hilarité générale. Ensemble, on était dans un autre monde, celui de la légèreté, celui de l’insouciance, celui dans lequel tout est possible. Notre relation, c’était ma définition du bonheur. Et je suis sûr que tous ceux qui nous ont côtoyés le comprennent.

En effet, je m’adresse ici à tous les lecteurs de ce blog, aux proches et moins proches, à tous ceux qui font que le souvenir de mon Frère ne s’envolera pas à la prochaine bourrasque. Je ne le décrirai pas en vantant ses qualités et en remémorant ces si nombreux bons moments que l’on a pu vivre avec lui. Je voudrais simplement vous faire comprendre ce que je ressens actuellement, avec mes mots maladroits qui ne font malheureusement qu’effleurer ma pensée.

Peut-être que certains d’entre vous aimeraient que je narre ici quelques petites anecdotes anodines et plaisantes, peut-être que d’autres voudraient que je leur rende hommage pour tout ce qu’ils ont fait pour moi ou mon Frère. Je ne les oublie pas mais je ne le ferai pas ici, car mon Frère, c’était avant tout pour moi l’avenir. J’aime me projeter dans le futur, et jusqu'à présent mon futur c’était de fêter sa première affectation après l’école de police, c’était de brandir mon diplôme d’ingénieur avec mon Frère dans mes bras, c’était de préparer ensemble le prochain mariage de la bande à Turinaz, c’était de partir en vacances tous les deux avec chacun une femme au bras, c’était peut-être un rôle de garçon d’honneur à l’un de nos mariages, c’était d'élever mes enfants et de leur présenter leur oncle et c’était surtout continuer à vivre dans l’insouciance et la gaieté. Et toutes ces images s’imposaient si naturellement à mes yeux que j’ai énormément de mal à les remplacer. Depuis l’accident j’essaye, mais je n’y arrive tout simplement pas encore.

C’est pour cette raison qu’aujourd’hui j’affirme qu’en son honneur, il sera une fois où tout ceci se réalisera bel et bien, et que nous resterons tous ensemble dans ces moments importants qui resteront à jamais dans nos mémoires.



Enfin, je voudrais remercier tous ceux qui m’ont envoyé des messages de soutien et qui continuent de le faire et à qui je n’ai pas eu le temps de répondre. Cela m’aide beaucoup.


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